Rond-point de la démocratie-Montbazin

Débat gouvernemental et C.N.D.P.

Grand débat: les secrets d’un hold-up

Par Laurent Mauduit
Alors que la Commission nationale du débat public
était disposée à assurer l'impartialité et la neutralité
du grand débat national, l’Élysée s’y est opposé.
Documents et courriels confidentiels à l’appui,
Mediapart révèle la lutte menée par Emmanuel
Macron pour transformer l’initiative, selon le mot
de Chantal Jouanno, en une « campagne de
communication ».
C’est une curieuse histoire, qui se joue le 9 janvier,
et qui va lourdement peser sur le grand débat national
souhaité par Emmanuel Macron, pour essayer de sortir
de la crise des gilets jaunes. L’avant-veille, le 7
janvier, sous le titre « Le salaire pas très “gilet jaune”
de Chantal Jouanno », La Lettre A a révélé que la
présidente de la Commission nationale du débat public
(CNDP) avait une rémunération de 14 666 euros brut
par mois. La controverse s’est aussitôt enflammée. Et
quand l’intéressée tente de s’expliquer, deux jours plus
tard au micro de France Inter, elle est en réalité
devenue inaudible.
Elle a beau dire que le niveau de sa rémunération
relève d’un décret, lequel relève de la compétence
de la puissance publique, et qu’il lui appartient
éventuellement de la diminuer ; elle a beau
préciser qu’elle comprend qu’un tel niveau de
rémunération puisse choquer les gilets jaunes, dont
les revendications portent pour beaucoup sur des
questions de pouvoir d’achat… personne ne l’entend.
Et quand Chantal Jouanno annonce ce 9 janvier qu’elle
reste présidente de la CNDP mais qu’elle n’assumera
pas, contrairement à ce qui était prévu, le pilotage de ce
grand débat national, l’opinion retient que c’est cette
polémique sur sa rémunération qui est à l’origine de
cette embardée catastrophique pour le pouvoir.
Et pourtant, non ! Derrière cette histoire, une autre se
joue, dont personne à l’époque ne se doute. Il y a bien
une rumeur persistante qui circule, et dont Mediapart
se fait l’écho dans notre première enquête, selon
laquelle les relations sont tendues entre le pouvoir et
Chantal Jouanno, l’ex-ministre sarkozyste, le premier
cherchant à se débarrasser de la seconde. Mais cela ne
va pas plus loin. Et nul ne se doute que cette mise en
retrait de Chantal Jouanno est surtout l’aboutissement
ultime de très vives tensions entre la CNDP d’un côté,
et l’Élysée et Matignon de l'autre, sur la manière de
conduire ce grand débat national.
Chantal Jouanno, dont nous avons recueilli le
témoignage, admet elle-même bien volontiers que ce
9 janvier, elle ne dit pas ce qu’elle a sur le cœur. Par
« loyauté », dit-elle. Mais avec le recul, la présidente
souhaite visiblement faire connaître sa version des
faits. Pour rétablir la vérité.
L’histoire commence donc au début du mois de
décembre. Emmanuel Macron a alors annoncé son
intention d’ouvrir un grand débat national pour tenter
de désarmer la colère des gilets jaunes et leur apporter
la preuve qu’il est à l’écoute.
Le 5 décembre, Chantal Jouanno, qui préside la
CNDP, dont la mission est précisément d’être le garant
de la neutralité et de l’impartialité de tous les débats
publics organisés dans le pays, est donc approchée.
Dans un premier temps, c’est Damien Cazé, conseiller
au cabinet du premier ministre, qui lui demande si
elle accepterait de piloter le grand débat. Mais la
demande est curieusement formulée : son interlocuteur
lui demande si elle accepte de le faire « à titre
personnel ». Réponse de Chantal Jouanno : c’est
impossible ! Si le gouvernement veut la saisir, cela
ne peut être qu’ès qualités, comme présidente de la
CNDP. Il faut donc que le gouvernement respecte les
procédures et fasse une saisine officielle de la CNDP.
Le sous-entendu est très clair : la CNDP est régie par
des règles. Et si le gouvernement veut faire appel à
elle, il devra les respecter. Comme dans tous les débats
organisés par la CNDP, il ne peut y avoir de « lignes
rouges », c’est-à-dire de sujets interdits. La neutralité
et l’impartialité des débats devront être assurées, et
c’est la CNDP qui en est nécessairement le garant –
et non un ministre ou un responsable politique. Tous
les intervenants dans le débat sont égaux : en clair, la
parole d’un président de la République, s’il intervient,
ne peut pas peser plus que celle d’un autre citoyen.
Ou alors, si le président ou un ministre participe,
ils ne peuvent présider la séance ni être sur une
tribune ou au centre de la salle, de sorte que tous
les participants soient égaux. Quant aux restitutions
et au compte-rendu final des débats, c’est aussi la
CNDP qui doit en avoir la maîtrise, de sorte qu’ils ne
soient pas biaisés par quiconque. Toutes ces règles,
la puissance publique les connaît évidemment, et le
premier échange ne fait qu’y faire allusion.
Alors pourquoi Damien Cazé demande-t-il à Chantal
Jouanno de piloter le grand débat « à titre personnel » ?
Le gouvernement souhaite-t-il obtenir la caution de
la présidente de la Commission, mais sans saisine
officielle, c’est-à-dire en s’émancipant des procédures
démocratiques de la commission ? Ce même 5
décembre, un autre indice peut le suggérer. Il
transparaît du courriel (voir ci-dessous) que Chantal
Jouanno adresse au même Damien Cazé mais aussi à
Thomas Fatome, qui est le directeur adjoint de cabinet
d’Édouard Philippe. Chantal Jouanno leur signale
que deux ministres, Jacqueline Gourault et Muriel
Pénicaud, « rencontrent demain les organisations
syndicales et associations d’élus ». Et la présidente de
la CNDP d’ajouter : « Elles envisagent de définir et
valider avec eux la méthode et l’organisation du débat.
Ceci n’est pas en cohérence avec la volonté affichée de
confier à une autorité indépendante cette organisation
pour en garantir la neutralité. »
En clair, il n’y a pas encore de conflit entre le pouvoir
et la CNDP, mais celle-ci peut commencer à craindre
que le gouvernement ne cherche à s’émanciper des
règles d’un véritable débat démocratique. Quelques
jours passent ensuite, sans que Chantal Jouanno
n’obtienne d’éclaircissements sur la méthode retenue
par le gouvernement.
Le 11 décembre, Chantal Jouanno écrit donc un
nouveau courriel à Thomas Fatome et Damien Cazé,
dans l’espoir d’avoir des nouvelles car l’échéance du
15 janvier, date annoncée pour le lancement du grand
débat, se rapproche. « Y voyez-vous plus clair sur
l’organisation du débat ? L’Élysée souhaite-t-il le
piloter directement ? Si vous souhaitez l’hypothèse de
la saisine de la CNDP, il faut le faire très rapidement,
car nous devons activer les budgets, les équipes pour
mobiliser les prestataires », leur demande-t-elle.
Dans la soirée, Damien Cazé lui apporte une drôle de
réponse. Ou plutôt, il revient vers elle pour lui poser
une question : « Chantal, on peut mobiliser les équipes
sans saisine formelle ? Car on risque d’avoir une
gouvernance un peu compliquée… » Le message, cette
fois, n’est plus allusif : la formule de « gouvernance
un peu compliquée » suggère que le gouvernement
cherche un moyen pour ne pas effectuer de saisine
de la CNDP et donc, pour échapper aux contraintes
démocratiques que cela imposerait.
Le nécessaire « filtrage du rapport final »
Le 12 décembre, Chantal Jouanno confirme donc à
Matignon qu’elle ne pourra piloter le grand débat que
dans le cadre d’une saisine officielle de la CNDP.
Le 13 décembre, le ton commence à monter. Une
réunion a lieu ce jour-là à l’Élysée, avec une
délégation de la CNDP conduite par Chantal Jouanno,
la secrétaire générale adjointe de l’Élysée Anne
de Bayser, le conseiller spécial de Macron Ismaël
Emelien, le directeur adjoint de cabinet du premier
ministre et divers autres conseillers. Un premier sujet
de conflit apparaît. Ismaël Emelien veut qu’il s’agisse
d’un débat fermé, avec des sujets hors débat – ce qui
est contraire aux principes de la CNDP. Un second
sujet de désaccord apparaît quand un conseiller évoque
le nécessaire « filtrage du rapport final ». Ce qui est
pour la CNDP tout aussi inacceptable car les données,
dans leur intégralité, doivent pouvoir être accessibles
à tous, de sorte que chacun puisse vérifier la sincérité
de la restitution, à la fin du débat.
Le 14 décembre, après visiblement beaucoup
d’hésitations, Édouard Philippe saisit officiellement la
CNDP, mais les mots utilisés par le premier ministre
prolongent les ambiguïtés des jours précédents :
Dans sa lettre à Chantal Jouanno, Édouard Philippe
utilise en effet ces formules : « Je souhaite que la
CNDP accompagne et conseille le gouvernement dans
l’organisation de ce grand débat, et que vous assuriez
personnellement cette mission. » Qui donc pilotera
le grand débat : la CNDP ou le gouvernement ?
La formule choisie peut signifier que la CNDP
n’aura qu’une mission d’assistance et que c’est le
gouvernement qui sera le pilote, ce qui serait une
remise en cause du principe de neutralité.
La formule selon laquelle Chantal Jouanno assurerait
« personnellement cette mission » peut aussi suggérer
qu’elle ne le ferait pas forcément és qualités de
présidente de la CNDP mais à titre personnel, d’autant
qu’elle pourrait s’appuyer pour conduire cette mission
« sur une équipe interministérielle ».
Le 17 décembre, la CNDP rend sa décision, qui est
publiée comme le veut la loi par le Journal officiel :
« Article 1 – La Commission, autorité administrative
indépendante, accepte la mission d’accompagner et
de conseiller le Gouvernement dans l’organisation
du Grand débat national et désigne sa Présidente,
Madame Chantal Jouanno, pour qu’elle assure
personnellement cette mission. Cet accompagnement
se poursuivra jusqu’au lancement du débat. Article
2 – La poursuite de cette mission jusqu’à la
rédaction du rapport final suppose un engagement du
Gouvernement à respecter pour ce débat public les
principes fondamentaux de la Commission nationale
du débat public. »
Il s’agit donc d’une réponse favorable, mais à la
condition que les règles du débat démocratique soient
bel et bien respectées ! Car tout est là, relève Chantal
Jouanno, de manière rétrospective : « Ils ne voulaient
pas être contraints par les règles du débat public »,
confie-t-elle à Mediapart.
Le 18 décembre, pour en avoir le cœur net, Chantal
Jouanno repart à la charge. Sachant qu’il y a eu
une réunion de travail peu avant entre l’Élysée
et Matignon, elle demande par courriel à Thomas
Fatome, le directeur adjoint de cabinet à Matignon,
pour lui demander qui fera le rapport final : la CNDP
comme le veut ses procédures ou le gouvernement ?
« Et ils ont arbitré sur CNDP jusqu’à la restitution ou
seulement la mise en place ? », demande-t-elle à son
interlocuteur. Réponse peu avant minuit : « Point non
abordé. Reparlons-en demain. »
La formule a de quoi inquiéter Chantal Jouanno car le
même jour, peu avant, une réunion a eu lieu, toujours
à Matignon, au cours de laquelle on lui a dit que la
CNDP piloterait le grand débat, mais qu’elle serait
assistée de personnalités faisant office de garants. Ce
que Chantal Jouanno a refusé, toujours pour la même
raison : le garant, le seul, ne peut être que la CNDP,
puisque c’est précisément sa raison d’être.
Pour lever toutes les équivoques, la CNDP transmet
d’ailleurs au gouvernement ce 18 décembre « une
proposition de méthode pour la conduite du Grand
De#bat National » (proposition qui, parmi d’autres
documents, figure dans le rapport final de la CNDP,
que nous examinerons plus loin).
Dans le lot de ces recommandations figure celle-
ci : « Nous déconseillons fortement de préciser
publiquement avant le débat les “lignes rouges”,
c’est-à-dire les propositions que le gouvernement
refusera quoi qu’il advienne de prendre en compte,
et plus encore les sujets dont il ne veut pas débattre.
L’expérience de la CNDP lui permet d’affirmer
qu’afficher une telle position avant l’ouverture du
Grand Débat National en videra les salles ou en
radicalisera plus encore les oppositions. Un débat qui
ne permet pas d’aborder l’option zéro d’un projet,
c’est-à-dire son abandon, est systématiquement un
échec. Par contre, il ne vous sera jamais reproché
de répondre négativement et de manière argumentée.
Nous déconseillons également très fortement d’utiliser
les mots de pédagogie, d’explication, ou tout autre
terme qui laisse à penser que les décideurs n’écoutent
pas et se placent toujours dans une position de
supériorité. Plus généralement, l’expérience de la
CNDP permet d’affirmer que la seule pédagogie
acceptable lors d’un débat est la “pédagogie
réciproque” et non unidirectionnelle. Un débat
renseigne toutes les parties prenantes des points de
vue, des arguments et des informations dont chacun
dispose. Enfin le débat ne sert pas à faire accepter
les projets, mais à faire émerger leur condition de
faisabilité. »
Au chapitre « Neutralité et écoute pendant le Grand
Débat National » figure cette autre recommandation :
« Pendant le Grand débat national, les membres
du gouvernement comme les parlementaires doivent
s’engager a# adopter une posture d’écoute active […].
La posture d’écoute active implique de ne jamais
prononcer de discours en ouverture, en clôture ou
depuis une estrade, mais de répondre éventuellement
aux questions posées. »
La lettre confidentielle de Chantal Jouanno à
Édouard Philippe
Le21 décembre, Chantal Jouanno sait pourtant, par
l’Élysée, que le grand débat ne se déroulera pas sous
le pilotage de la CNDP. L’Élysée souhaite toujours
qu’elle s’implique, mais seulement à titre personnel.
Par une lettre adressée ce 21 décembre à Édouard
Philippe, elle lui fait donc savoir qu’elle ne peut pas
se livrer à cet exercice. C’est un épisode qui était
jusque-là inconnu, car on avait toujours pensé que
la décision de se mettre en retrait avait été prise par
Chantal Jouanno bien plus tard, le 9 janvier, dans le
prolongement des polémiques sur sa rémunération. Or
non : dès ce 21 décembre, Chantal Jouanno refuse la
mission, telle que le gouvernement la conçoit.
Voici cette lettre qui, jusqu’à présent, n’avait donc
jamais été rendue publique :
« Le cabinet du président de la République a confirmé
que la CNDP n’assurera pas le pilotage opérationnel
du Grand débat national, ni sa restitution, écrit
Chantal Jouanno. Le gouvernement a affiché sa
volonté d’être le réceptacle de ce débat, sans instance
tierce. Le gouvernement est libre de ce choix. Le
cabinet du président de la République m’a demandé
de poursuivre à titre personnel le pilotage de
l’organisation du Grand débat national, et qu’un
comité soit nommé à mes côtés pour garantir que ce
débat soit neutre et que sa restitution soit sincère.
Après réflexion et compte tenu des échanges avec
les membres de la commission, je ne peux accepter
cette mission, même à titre personnel. Celle-ci n’est
en effet pas détachable de l’objet même de la CNDP.
Il ne serait pas compréhensible, ni justifiable, que la
présidente de l’autorité administrative indépendante
chargée de garantir le droit à la participation ne
s’appuie pas sur celle-ci pour garantir le Grand
débat national. Cette position ne manquerait pas de
susciter de vives critiques au sein de la Commission
qui seraient fortement pénalisantes pour le bon
déroulement du débat. Ainsi, je regrette de ne pouvoir
donner une suite favorable à cette proposition et
souhaite que ce Grand débat national soit une belle
occasion pour réconcilier la Nation et un bel exemple
d’exercice démocratique. »
Panique à Matignon ! À peine la lettre arrive-t-elle
à Matignon que le directeur de cabinet d’Édouard
Philippe, Benoît Ribadeau-Dumas, adresse un SMS à
Chantal Jouanno la priant instamment de ne pas se
retirer. Et le directeur adjoint de cabinet lui téléphone,
lui disant en substance : « Ne fais pas cela ! Tu vas
nous ruiner. On va trouver une solution… »
Face à l’insistance de ses interlocuteurs et voulant être
loyale avec le gouvernement, Chantal Jouanno ne met
donc pas aussitôt à exécution ce qu’elle a dit, pensant
qu’une solution sera peut-être enfin trouvée.
Le 28 décembre, elle a pourtant très vite la
confirmation que son espoir est vain. Sur le site
du gouvernement qui annonce le grand débat, deux
phrases ont été retirées du projet initial. Un retrait
lourd de sens, puisque les deux phrases disparues
disaient ceci : « Le compte-rendu [du grand débat]
sera réalisé par la Commission nationale du débat
public » ; « C’est la Commission nationale du
débat public (CNDP) qui assure la coordination
opérationnelle et garantit la neutralité de l’ensemble
de la démarche ». Aussitôt, Chantal Jouanno fait part
au directeur de cabinet de Matignon de son inquiétude.
Le 4 janvier, Chantal Jouanno adresse un courriel au
directeur de cabinet de Matignon, Benoît Ribadeau-
Dumas, pour lui expliquer dans le détail les contours
que pourrait prendre le grand débat national, et elle
lui joint une note de travail. Mais en préalable, elle
lui demande (voir ci-dessous) si le gouvernement a
clarifié la question du rôle de la CNDP et de la
mission : « La prochaine réunion des commissaires
de la Commission nationale a lieu le mercredi 9
janvier. Il serait souhaitable que la lettre de réponse
du premier ministre sur laquelle nous avons échangé
avec Thomas [Fatome] puisse m’être transmis[e] d’ici
là pour clarifier ce point. Ce sera la dernière séance
avant le 15 janvier, date de démarrage officiel du
Grand débat. »
La demande reste sans effet : le gouvernement
n’apporte aucune réponse à la CNDP.
Le 7 janvier, La Lettre A sort son « indiscret » sur
la rémunération de Chantal Jouanno, et des sources
gouvernementales multiplient les attaques contre la
présidente de la CNDP.
Le 8 janvier dans la soirée, Chantal Jouanno en vient
donc à la conclusion que rien n’a changé depuis sa
lettre de mise en retrait du 21 décembre, adressée à
Édouard Philippe, et que le gouvernement ne veut
pas être contraint par les procédures du débat public.
Elle annonce donc au gouvernement qu’elle met en
application ce qu’elle annonçait au premier ministre ce
21 décembre.
Le 9 janvier, Chantal Jouanno annonce publiquement
qu'elle ne pilotera pas le Grand débat. La Commission
nationale du débat public se réunit et ne peut qu’acter
que les conditions ne sont pas réunies, puisque
le gouvernement ne veut pas accepter les règles
habituelles. Voici la décision de la CNDP :
La CNDF fait les constats suivants : « Considérant
que tout débat public doit respecter les principes
fondamentaux tels que, neutralité et indépendance des
organisateurs, égalité de traitement des participants,
transparence dans le traitement des résultats »,
la CNDP décide : « Article 1 : La Commission
prend acte du retrait de sa présidente de la mission
d’accompagnement et de conseil du gouvernement
dans l’organisation du Grand débat national. Article
2 : La Commission constate que sa mission de
conception et de mise à disposition des outils
nécessaires à l’organisation du Grand débat national
est accomplie. Article 3 : La Commission réitère son
souhait que le gouvernement s’engage à ce que le
Grand débat national se déroule dans le respect des
principes fondamentaux du débat public. »
« Ce n’est pas ça un grand débat »
Le 10 janvier, une réunion de passation du dossier
a lieu entre la CNDP, dont la mission s’arrête, et le
Service d’information du gouvernement (SIG). La
rencontre se passe mal, et les membres de la CNDP
comprennent que toute la méthodologie mise au point
va voler en éclats. Alors que la CNDP défend un
débat avec « des thèmes ouverts, et pas de lignes
rouges », le SIG veut une « fermeture des thèmes ».
Et tout est à l’avenant. Alors que la CNDP défend
« une posture d’écoute du décideur », le gouvernement
veut confier à deux ministres, qui seront donc juges et
parties, la gestion et le pilotage du grand débat, etc.
Jusqu’à la restitution qui aurait été transparente, sous
la responsabilité de la CNDP, et qui va passer sous le
filtre du gouvernement, au risque d’être orientée…
Le 11 janvier, la CNDP publie son rapport, dans
lequel elle consigne ce qu’elle a fait – et où on lit
en pointillé les désaccords sur la méthode. Voici ce
rapport, intitulé« Mission d’accompagnement et de
conseil pour le grand débat national » :
Ce rapport acte donc que la mission
d’accompagnement de la CNDP a pris fin.
Le 25 janvier, sur LCI, Chantal Jouanno ajoute
pourtant une conclusion plus personnelle :
La présidente de la CNDP fait donc entendre ses
regrets : la plateforme internet préparée par la CNDP
« était prête, sauf qu’en fait, ils ont tout refait », dit-
elle. «On n’avait pas prévu de faire une opération de
communication mais un grand débat, donc on avait
prévu de faire une plateforme numérique totalement
ouverte, […] où tout le monde pouvait échanger
sur n’importe quel sujet. » « Le grand débat est
faussé », ajoute-t-elle. « Nous n’avions pas voulu
que le grand débat se résume à un questionnaire sur
quatre thèmes, nous avions dit [au gouvernement] :
“Aujourd’hui le grand débat se limite pour vous à la
possibilité de ne débattre que des quatre thèmes et de
ne répondre qu’aux questions qui sont posées par le
gouvernement”, ce n’est pas ça un grand débat. »
Mots cruels, mais qui résument tout : dans l’esprit de la
CNDP, le gouvernement a bel et bien pris le risque de
transformer le grand débat national en « une opération
de communication » au profit d’Emmanuel Macron…

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